Face à cette empreinte grandissante, des efforts importants sont entrepris pour réduire l’impact environnemental de l’IA et de ChatGPT en particulier. Ces efforts portent à la fois sur l’optimisation technologique des modèles d’IA eux-mêmes, sur l’efficacité énergétique des centres de données, et sur une alimentation électrique plus verte de ces infrastructures.
1. Optimisation des modèles d’IA :
Les chercheurs et ingénieurs travaillent à rendre les algorithmes d’IA plus efficients pour accomplir les mêmes tâches avec moins de calculs. Des techniques telles que la distillation de modèles (qui consiste à entraîner un modèle plus petit à reproduire les performances d’un grand modèle) ou le pruning (élagage des paramètres redondants) permettent de réduire drastiquement la taille et la consommation des modèles, tout en préservant une qualité de réponse acceptable.
D’après certaines études, des améliorations d’architecture et de code pourraient réduire d’un facteur 100 à 1000 l’empreinte carbone des modèles d’IA à l’avenir. Par exemple, une équipe du DFKI en Allemagne, dirigée par le Pr. Wolfgang Maaß, combine compression algorithmique et optimisation des réseaux neuronaux et parvient à des réductions de l’ordre de 90 % de la consommation électrique de systèmes d’IA, sans sacrifier les performances sur des tâches spécifiques.
De tels modèles allégés et spécialisés consomment bien moins de ressources, ce qui ouvre la voie à une IA « frugale » : une IA plus économe, ciblée sur les besoins réels, évitant la surenchère de taille des modèles lorsque cela n’est pas nécessaire.
2. Efficacité énergétique des data centers :
Les centres de données qui hébergent les serveurs de ChatGPT font l’objet d’optimisations continues pour limiter leur empreinte énergétique. D’importants gains ont déjà été obtenus sur la dernière décennie grâce à de meilleures conceptions d’infrastructures (consolidation des serveurs, virtualisation) et à des améliorations de refroidissement.
Par exemple, le recours à des systèmes de refroidissement avancés (free cooling, refroidissement par immersion des serveurs dans des bains de liquide, intelligence artificielle pilotant la climatisation en temps réel) permet de diminuer la consommation liée à la dissipation de chaleur.
Grâce à de telles mesures, la consommation électrique totale des data centers a pu être contenue temporairement malgré l’essor du cloud. Jusqu’ici, les gains d’efficacité énergétique des centres de données ont permis de modérer leur consommation globale malgré l’augmentation de la demande numérique. On observe par exemple des réductions pouvant atteindre 30 à 40 % de la consommation pour certains modèles d’IA bien optimisés.
Toutefois, ces gains restent en partie compensés par l’explosion du nombre de serveurs déployés pour l’IA. C’est pourquoi les fournisseurs cloud investissent aussi dans du matériel plus sobre : processeurs optimisés (GPU de nouvelle génération plus performants par watt, puces TPU ou ASIC dédiées à l’IA), serveurs plus denses et mieux utilisés.
L’objectif est d’augmenter la puissance de calcul par kWh consommé, afin que chaque requête d’IA requière moins d’électricité.
3. Alimentation en énergies décarbonées :
Un autre levier majeur d’amélioration est le verdissement de l’électricité alimentant ces infrastructures. Réduire l’empreinte carbone, ce n’est pas seulement consommer moins d’énergie, c’est aussi consommer une énergie plus propre.
Sur ce front, les géants du numérique à l’origine de ChatGPT et des services similaires se sont engagés dans une transition vers les énergies renouvelables (solaire, éolien) et autres sources bas-carbone. Par exemple, Meta (Facebook) a signé des contrats pour alimenter ses data centers avec 100 % d’électricité d’origine renouvelable.
Microsoft, Google et Amazon ont également investi massivement pour sécuriser des approvisionnements directs en électricité décarbonée – y compris via des partenariats inédits dans le nucléaire. En 2022-2023, ces entreprises ont conclu des accords d’achat d’énergie nucléaire afin d’alimenter leurs centres de calcul pour l’IA.
De telles initiatives garantissent une source stable d’électricité sans émissions de CO₂ pour faire tourner des milliers de GPU, tout en réduisant la dépendance aux énergies fossiles.
Par ailleurs, des efforts sont faits pour améliorer le PUE (Power Usage Effectiveness) des centres de données, valoriser la chaleur fatale (récupérer la chaleur des serveurs pour chauffer des bâtiments), et recourir au stockage d’énergie pour maximiser l’usage d’énergies renouvelables intermittentes.
L’intégration des énergies renouvelables couplée à l’efficacité énergétique permet ainsi de diminuer notablement l’empreinte carbone de chaque requête ChatGPT.
D’après Greenpeace, alimenter les serveurs avec de l’électricité 100 % verte plutôt qu’avec du charbon ou du gaz permet un gain immédiat, et ce type de transition est en cours chez la plupart des grands fournisseurs cloud (What is the CO2 emission per ChatGPT query? – Smartly.AI).
4. Vers une IA plus sobre :
Outre les progrès technologiques, un point de plus en plus souligné est la nécessité de modérer les usages pour éviter un effet rebond (voir section suivante). Les concepteurs de ChatGPT travaillent à limiter les calculs inutiles (par exemple via des mécanismes pour ne pas générer de réponse inutilement longue ou pour mettre en veille des portions de modèle non sollicitées).
Mais c’est aussi aux utilisateurs et aux développeurs d’intégrer une forme de sobriété numérique. Cela signifie privilégier les modèles les plus légers suffisants pour une tâche donnée, grouper ses questions plutôt que d’envoyer de multiples requêtes dispersées, et questionner la pertinence d’utiliser une IA gourmande en ressources pour de simples besoins.
Cette démarche rejoint la notion d’« IA frugale », encouragée en France par des référentiels et guides de bonnes pratiques (voir volet réglementaire). L’amélioration des infrastructures passe donc autant par l’innovation technologique que par l’évolution des comportements des acteurs vers davantage de sobriété.